Le Synopsis du film - Par André Ruellan
En vacances estivales, tous les membres d'une famille fêtent les trois-quarts de siècle de la grand'mère. Mais peu de temps après, cette dernière meurt et la famille doit se mesurer à la dispersion de l'héritage, dont les oeuvres d'un oncle artiste-peintre...
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« L’heure d’été » d'Olivier Assayas avec Juliette Binoche et Charles Berling est un film sympa pourrait-on dire, à aller voir en famille (c’est peut être pas la peine de prendre mamie) un soir de pluie alors que le film passe dans le cinéma de quartier. Un film qui ne passe pas au Gaumont, un petit film de plus ?
Pas vraiment, pas si anodine que ça cette histoire…
J’y suis allé seule, le sujet m’intéressait ayant déjà été confrontée aux problèmes de succession et donc au deuil. Je n’ai pas été déçue. Je l’ai trouvé bien fait, très subtil, tout en finesse. Là où d’autres réalisateurs auraient filmé des cris et des larmes, Olivier Assayas traite le propos avec beaucoup de pudeur et de retenu. C’est un film qui pose beaucoup de questions, mais qui ne donne pas vraiment de réponses. Malgré l’impression de légèreté, il donne matière à réflexion et nous renvoie à notre vécu, à nos expériences au cours de nos vies. Le sujet est universel, mais la façon de le recevoir est propre à chacun.
C’est justement là que je voudrai en venir.
Ca s’est passé à la fin du film. Alors que les adultes ont vidé la maison et réglé de façon très pragmatique toute l’affaire, laissant de côté les sentiments et leurs émotions, les enfants -les petits enfants de la morte- décident d’y faire une fête avant qu’elle soit vendue.
Ils sont jeunes, mais plus des enfants pour certains. La fille du personnage joué par Charles Berling a près de15 ans. Elle court dans le parc autour de la maison, avec son amoureux. Elle court comme elle courrait petite quand elle partait le cœur battant se cacher afin de semer son cousin et sa ribambelle de copains du village. Elle court comme la petite fille qu’elle était, ignorante que la vie puisse être autre chose que ces jeux plein d’insouciance. Elle avait l’éternité en elle, la paix, la confiance. A présent elle sait, car elle a grandi, elle sait que cette maison n’existera plus et avec elle toute son enfance. C’est la fin de quelque chose, une rupture qu’il faut assumer, que les adultes lui demandent de supporter sans rien dire. Parce que de toute façon, on ne demande pas l’avis des enfants. Ils s’en remettront, oublieront…
La jeune fille s’arrête de courir, se retourne vers son amoureux et lui dit :
- « Je me rappelle, à cet endroit précis ma grand-mère m’avait dit qu’un jour elle me transmettrait ce domaine, et qu’ainsi je pourrai moi-même y amener mes enfants. »
Elle sourit tristement, une larme glisse sur sa joue.
Je ne m’y attendais pas mais c’est à cet instant précis que j’ai pleuré. Ce ne fut pas une larmette que je versais mais un torrent qui semblait ne jamais vouloir se tarir. J’essayai de résister jusqu’à la fin du film, attendre d’être dans ma voiture pour me laisser aller. Hélas ce ne fut pas possible. Je laissai donc aller mes larmes car elles venaient de si loin que rien ne pouvait en arrêter la force. Elles représentaient une telle tristesse enfouie que je renonçais à les retenir. Je pleurais encore sur le chemin jusqu’à chez moi, par les petites routes de campagne, les phares éclairant à travers la buée de mes yeux les virages impromptus. J’essayais de réfléchir à la cause de mes tourments, à l’écho que le film me renvoyait.
Ce n’était pas les tourments du fils ainé qui me touchaient ni même le fait qu’il doive non seulement renoncer mais aussi être celui qui agit dans ce sens là ; ce n’était pas la mort de la mère qui me remua, ce n’était pas non plus la tristesse de sa fille, ni la jolie complicité des trois personnages, non ce qui fit écho à mon histoire me sauta à la figure dans le personnage de cette petite fille à peine sortie de l’enfance et qui déjà découvre les lâchetés des adultes.
Je me revoyais alors au même âge, dans la ferme Vosgienne posé au creux du vallon que mes parents avaient acheté comme résidence secondaire. Les merveilleux dimanches qu’on y passait, mon frère, nos copains et moi, la seule fille, à courir dans les bois, haletant, ivres, éperdus de bonheur.
Est-ce toujours ainsi la fin de l’enfance, une perte, un arrachement ? Ou bien doit-on retrouver l’exactitude de ce dont la mémoire n’a pas imprimé ? Est-ce le choc subit, la chose qui arriva au milieu de ce bonheur enfantin, ce vol de mon âme, de mon innocence ?
Toujours est-il que grâce à ce film, j’évacuais un trop plein de souvenir que j’avais essayé d’occulter et je me rejouais le film, le mien, me remémorant le jour où il fallut vendre cette maison et partir sans comprendre pourquoi, très loin, très loin du bonheur si fragile de l’enfance.